Se bousculer pour progresser

Je marche dans une ruelle que je connais bien. Je marche d'un pas assuré. Au loin, je vois un trou. Il m'est familier. Je me suis déjà retrouvé au fond de ce trou. Pourtant, je marche tout droit. Droit vers le trou. Et je tombe tout de même dedans. Encore une fois. Je me vois tomber au ralenti. J'en ressors en me disant que je ne commettrai plus jamais cette erreur. Rien n'est moins sûr. Pourtant, j'apprends, je progresse. Parfois je passe juste à côté du trou. Parfois, je me retrouve à nouveau au fond. Parfois, je le vois de loin et je fais un grand détour pour l'éviter.

J'aimerais célébrer avec toi l'amour... de la création.

L'amour du processus et des détails.

L'amour des chutes et des brouillons.

L'amour de la répétition et de la lente évolution.

Je m'appelle Laurent et j'ai instauré pour moi-même la loi de l'effort constant et quotidien. Chaque jour, je dois créer un petit rien, un quelque chose, faire un pas dans n'importe quelle direction. J'ai réalisé que faire une pause, c'est un coup d'arrêt. Alors, je me fixe l'objectif de toujours rester en mouvement. Je prends au moins une photo, j'écris au moins une phrase dans mon journal, je fais au moins quelques secondes de vidéo. Car le presque rien, c'est mieux que rien. C'est même la matière première de mon puissant chantier. Et un jour, il y aura un château.

Je traverse une période maigre. Je donne peu à voir et à écouter. Tout se passe en coulisses. J'ai à nouveau disparu pour me concentrer sur ma nouvelle émission basée autour d'interviews d'artistes. Et c'est passionnant. Les grands projets prennent du temps. Beaucoup plus de temps qu'on ne le pense. J'avais promis de revenir début janvier avec une nouvelle saison de Puissante Panoplie et on est déjà à la fin février et j'ai à peine une esquisse des épisodes. J'avais promis de publier des vidéos et je n'ai rien montré. Je n'ai pas osé me filmer. Ca doit être un mélange de pudeur et de timidité. Je ne sais pas.

Ou je n'ai pas su par quoi commencer. Parce que je ne me connais pas assez. Je ne respecte pas mes valeurs. Et sans valeurs, il n'y a pas de priorité. Et sans priorité, il a des actions désordonnées. Je pars dans tous les sens, je me disperse et je m'épuise.

Malgré tout, j'avance. J'ai enregistré les deux premières interviews pour mon nouveau podcast. La première est enfin montée et je viens de la publier. Je me suis aussi décidé pour le nom. Ce sera... Au Coeur de la Création ! Parce qu'on créé avec ses tripes, avec son corps, avec sa tête, avec son courage. Et notre moteur, c'est notre âme, notre coeur.

En fait, j'ai pris du temps car j'ai expérimenté avec un nouveau format où je n'ai plus le contrôle total. Je ne dispose plus d'un script que je peux lire mot pour mot. J'explique le déroulement général de l'interview à mes invitées sans dire exactement les questions que je vais poser. Ca me permet de garder de la spontanéité tout en restant dans un cadre. C'est presque du direct, mais avec un filet : le montage. Parce que oui, il y a des erreurs, des hésitations et des mots sur lesquels je croche. Il y a le stress et les émotions de l'interview. Il y a des constructions de phrases un peu bancales, des répétitions et des bruits en arrière-plan. Alors j'apprends à mettre de côté mon perfectionnisme.

J'ai aussi dû faire des choix dans la forme. Je ne peux pas monter une interview d'une heure comme un épisode de 10 minutes. Malgré toute ma patience et mon attirance pour les podcasts immersifs, je n'ai pas le temps de truffer l'épisodes de musiques et de bruitages. Je ne peux pas me permettre de caler chaque phrase pile poil au bon endroit et de corriger la moindre erreur de diction. Même si ça me fait un peu grimacer de produire un épisode qui n'est pas aussi lisse et maîtrisé que d'habitude. Tu l'as entendu dans de précédents épisodes, je fais face à un défi technique. Je ne suis plus dans un environnement familier. Je pars avec mon matériel et je ne sais pas comment ça va sonner lorsque je serai à l'extérieur.

En même temps, c'est motivant car en me bousculant, je progresse. J'apprends à parler et à écouter en direct. Je m'ouvre à mes invitées. Et mes deux premières invitées m'ont donné beaucoup en retour. Beaucoup de disponibilité, de patience, de bienveillance et d'honnêteté. Cette expérience m'a touché et je tiens à faire honneur à mes invitées. C'est dur de gérer cette pression, le risque de décevoir quelqu'un. Je veux faire au mieux, mais sans trop faire attendre la personne. Je dois faire des choix et des compromis. Il y a de la musique, mais pas trop. Juste quelques interludes musicaux. Quelques secondes pour respirer et laisser la conversation s'installer dans les esprits. Je dois couper certaines questions et réponses qui ne sont pas essentielles.

A un moment donné, j'ai même hésité à supprimer complètement mes questions pour ne garder que la succession de réponses. Comme si mon invitée faisait un récit. J'ai essayé et c'était un incroyable casse-tête. Je suis donc revenu à un montage plus simple et plus fidèle à l'énergie du moment. A moi aussi de faire confiance à mon travail, à mon intuition et surtout à mes invitées. Je me mets en retrait pour leur laisser le temps et l'espace pour s'exprimer pleinement.

Je réalise que j'ai besoin de ce genre d'expérience pour changer et oublier une certaine manière de travailler. J'ai lancé "Au Coeur de la Création" pour sortir, aller vers les autres et tisser des liens forts avec des personnes que je croise, que je côtoie sans tout à fait les connaître, sans savoir ce qui fait tourner leur monde.

Evidemment, j'ai des regrets car je suis exigeant avec moi-même. J'aurais voulu faire plus et mieux. Idéalement, j'imaginais sortir les trois premiers épisodes d'un coup, pour bien lancer le projet. Mais je ne peux plus attendre, il faut que je publie le premier épisode. Le deuxième suivra un mois plus tard et ainsi de suite. J'espère que mois après mois, ce nouveau podcast trouvera son public. De mon côté, j'ai trouvé une partie de moi-même, une partie de la personne que j'ambitionne d'être. Et ça valait la peine.

C'était Puissant Chantier, une émission écrite et réalisée par Puissant Bazar, donc pour l'instant c'est que moi, Laurent. Je te donne rendez-vous dans plus ou moins un mois pour la suite de mes aventures dans le monde merveilleux de la création.

Si tu penses que ce podcast pourrait aider une autre personne, partage avec elle cet épisode.

Merci d'être là et d'être toi. Prends soin de toi et à tout bientôt.